Sous la surface
- Claire Sverzut

- 3 nov.
- 4 min de lecture
La Dame du Lac du Blausee et le courage émotionnel du leader
Au fond du Blausee, dans une eau d’un bleu presque irréel, repose une statue.
On l’appelle la Dame du Lac. Selon la légende, elle pleure un amour perdu, et ce seraient ses larmes qui auraient donné au lac cette teinte si pure.
Quand on l’observe, immobile sous la surface, on ressent à la fois la beauté et la mélancolie. Quelque chose d’invisible, mais de puissant, émane d’elle.
L’artiste Raffael Fuchs, qui l’a sculptée, a voulu y glisser un message :
“Il est temps de laisser partir la souffrance et de permettre à une vie nouvelle de commencer. It’s time to stand up.”
Sous la surface de nos organisations
Cette phrase résonne étrangement juste dans le monde du travail. Car, sous la surface des objectifs, des réunions et des échéances, il existe aussi un lac invisible. Un lac d’émotions non dites. De fatigue, de retenue, de frustrations tues, d’injustices avalées, de fiertés blessées.
Ces émotions sédimentent, se transforment en inertie ou en méfiance, et finissent par colorer toute une culture. Les leaders qui l’ignorent perdent peu à peu la clarté et l’énergie collective.
Le leadership émotionnel, lui, ne cherche pas à fuir ces eaux profondes. Il apprend à y plonger avec lucidité — sans s’y perdre.
L’outil: les 3A du leadership émotionnel
Un rituel simple (et pourtant si difficile à pratiquer) pour ramener de la clarté et de la cohérence dans des situations tendues ou floues.
1️⃣ Accueillir: Observer ce qui se passe, sans juger.
Qu’est-ce que je ressens, ici et maintenant ?
Nommer, c’est déjà reconnaître. Mais — et c’est souvent là la plus grande difficulté — accueillir demande du courage et une forme de présence de soi.
Dans la réalité du travail, ce n’est pas simple. Le rythme, la pression, la volonté de bien faire nous poussent à avancer sans toujours prendre le temps de ressentir.
Accueillir suppose une micro pause intérieure : un instant pour écouter ce qui se passe vraiment avant de repartir. Ce n’est pas une posture méditative, ni une confession publique. C’est un geste minuscule, presque invisible. Quand la tension monte en réunion, que la voix se crispe ou que la contrariété s’installe, il s’agit simplement de se remarquer soi-même:
Je sens que je m’agace.
Mon souffle s’accélère.
Je suis en train de me fermer.
À ce moment précis, le réflexe n’est pas de réagir, mais de ralentir d’un demi-pas : respirer une fois, se redresser, regarder l’autre vraiment, remettre les pieds au sol. Ce court espace de conscience — parfois deux secondes — suffit souvent à éviter la réaction automatique. C’est cela, accueillir. Rester relié à soi, même quand c’est inconfortable.
2️⃣ Apaiser: Respirer, ralentir, créer un espace de sécurité.
De quoi ai-je besoin maintenant pour retrouver du calme? Qu’est-ce que je peux laisser aller ?
Apaiser ne veut pas dire éviter : c’est choisir la présence plutôt que la réaction.
Apaiser ne veut pas dire “se calmer” à tout prix. Cela veut dire rétablir la connexion entre le ressenti et la clarté.
Concrètement, une fois que l’on a remarqué l’émotion, il s’agit de laisser passer la vague.
Rappelez-vous: une émotion, biologiquement, ne dure que quelques secondes — sauf si on la nourrit par le mental : en ressassant, en justifiant, en accusant. Si on lui offre simplement de l’espace, elle se dissipe d’elle-même.
Une respiration lente, un silence assumé, un regard qui se détourne un instant de l’écran : des micro-gestes simples, mais puissants.
Ce n’est pas une faiblesse, c’est une régulation.
L'émotion apaisée devient souvent une énergie disponible, une ressource plutôt qu’un frein.
3️⃣ Aligner: Transformer l’émotion en direction claire et consciente.
Quelle est mon intention ? Quelle action cohérente avec mes valeurs puis-je poser maintenant pour construire cette relation, ce projet, cette décision ?
Une fois l’émotion reconnue et apaisée, je peux à nouveau voir plus loin que la situation. L’énergie est revenue, mais elle circule différemment : plus fluide, plus lucide.
Aligner, c’est redonner du sens avant d’agir. Ne plus répondre depuis la peur, la colère ou le besoin de contrôle, mais depuis la conscience de ce que je veux vraiment incarner.
Parfois, cela se traduit par une action simple — reformuler calmement, écouter avant de trancher, ou simplement différer une décision pour la rendre plus juste. Ce n’est pas de la lenteur, c’est de la précision intérieure.
Et c’est là que le leadership émotionnel prend toute sa dimension : on n’agit plus sous l’emprise de l’émotion, on agit avec elle, en l’ayant transformée en boussole intérieure.
L’enseignement du Blausee
La Dame du Lac nous parle de traversée. Elle symbolise la douleur, mais surtout la transformation. Elle nous rappelle qu’il faut parfois accepter de descendre dans nos propres profondeurs pour retrouver la lumière.
Dans les entreprises, cela s’appelle la maturité émotionnelle : la capacité à reconnaître ce qui est vivant, même quand c’est inconfortable, et à s’en servir comme d’un moteur d’alignement et de croissance.
À expérimenter cette semaine
Lors d’une réunion ou d’un échange tendu, avant de réagir :
Identifiez votre émotion dominante.
Respirez trois fois profondément.
Demandez-vous : “Qu’est-ce que cette émotion veut me dire ? Que cherche-t-elle à protéger ou à révéler ?”
Vous verrez : souvent, le simple fait de reconnaître ce qui est là modifie déjà l’énergie du moment.
Merci d’avoir lu jusqu’ici: si cet article vous a parlé, n’hésitez pas à le partager —peut-être résonnera-t-il aussi pour quelqu’un autour de vous.
Invalues — allier performance et humanité. Coaching individuel & collectif | Formation Leadership & Management

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